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1. J’accuse“J’accuse” est le titre d’un article publié par Émile Zola , lors de l’affaire Dreyfus. Cet article, publié dans "L’Aurore" le 13 janvier 1898 prend la forme d’une lettre ouverte au président de la République Française, Félix Faure. Rappelons qu'Émile Zola est un écrivain au paroxysme de sa gloire en 1898 : Il est en effet décoré de la Légion d'honneur, et préside avec succès “la société des gens de lettres” (Association fondée en 1838 par Louis Desnoyers sur une idée D’ Honoré de Balzac, dont le but est la défense du droit moral et social de tous les auteurs de l’écrit). De plus, Émile Zola a achevé sa grande fresque romanesque des “Rougon-Macquart”, et s’est affranchi des problèmes matériels qu’il avait pu connaître durant le début de sa carrière d’écrivain. Ce nouvel engagement de Zola est donc porté par des convictions profondes, puisqu’il a véritablement tout conquis, mis a part son but avoué, c’est-à-dire son entrée à l'académie Française. Zola a débuté sa carrière d’hommes de lettres dans la presse, en tant que journaliste .Cette éloquence acquise par l’intermédiaire de son expérience dans le monde de la presse se retrouve dans son fameux article “J’accuse”. Zola s’appuie donc sur une presse de “contre-pouvoir” qu’il sait influente sur l’opinion publique.
L’affaire Dreyfus débute véritablement à l’automne 1894 , sur la base d’une lettre nommée “bordereau”. Cette lettre prouve que des fuites d’informations confidentielles sont organisées vers l’ambassade d’Allemagne à Paris. C’est ainsi qu’est accusé un capitaine d’état-major de confession juive, Alfred Dreyfus, le seul haut gradé de confession juive de l’armée française. Alfred Dreyfus est accusé d’espionnage, de trahison et il est condamné au bagne à perpétuité du fait que son écriture ressemble étrangement à celle du bordereau. Fait révélateur du contexte social de l’époque, le conseil de guerre le condamne à l’unanimité malgré une absence criante de preuves, une absence de mobile et des dénégations d’Alfred Dreyfus, qui nie toute collaboration étroite avec l'Allemagne. Néanmoins, cette condamnation emporte l’adhésion d’une très grande partie de l’opinion publique, du fait de l’antisémitisme ambiant. Il est ainsi dégradé dans la cour d’honneur de l'École militaire. C'est-à-dire démis de ses fonctions.
En 1897, Émile Zola, consterné et révolté par l’iniquité du jugement, ainsi que par les réactions offensantes de la presse nationaliste, va alors écrire un nombre conséquent d’articles à la faveur du mouvement naissant des dreyfusards dans “Le Figaro“ . Il va alors définir le slogan des dreyfusards : “la vérité est en marche et rien ne l'arrêtera“. Zola prend très vite la décision de rédiger sa fameuse lettre ouverte “J’accuse”, mais il veut tout d’abord connaître le dénouement de l’affaire Esterhazy, et notamment si celui-ci sera condamné ou non. En cas de condamnation, l’article insistera sur les zones d’ombre de l’affaire et en exigera la révision; cependant c'est l’acquittement qui est prononcé, alors l’article sera un redoutable pamphlet. Zola veut véritablement marquer l’opinion publique par l’intermédiaire des médias, afin de faire prendre conscience de la supercherie, de l’iniquité qui touche l’affaire. Du fait qu’il s’est retiré du “Figaro” et que toutes ses prises de contact avec d’autres journaux échouent, Zola va se rapprocher du journal “L’Aurore” et de son directeur Georges Clemenceau. C’est ainsi que deux jours après l’acquittement de Ferdinand Esterhazy, un officier commandant (le véritable coupable), “J’accuse” paraît dans l’édition du 13 janvier 1898 de “L’aurore”. L’article connaît un retentissement sans précédant: La France est alors véritablement divisée en deux, probablement du fait de la publication de l’article: On assiste à une lutte idéologique entre les “Pro-Dreyfusards”, favorable à la réhabilitation d’Alfred Dreyfus et “Les Anti-Dreyfusards”, eux favorables à sa condamnation. De plus, le titre de l’article est emblématique du fait que sa concision, sa tournure de phrase lui permettent d’avoir une grande influence sur l’opinion publique. En effet, Émile Zola souhaitait que tous les lecteurs soient à même d’apercevoir le titre de loin et il souhaitait également contrecarrer la presse du soir, puisque celle-ci est bon marché et orientée sur des faits divers moins important. Cette presse étant majoritairement antidreyfusarde, il était essentiel d'accaparer ses atouts, et ainsi d’avoir une influence étendue sur l’opinion publique parisienne. C’est pourquoi en imitant les artifices et coutumes de cette presse qu’il dénonce, Zola s’adresse à un autre lectorat et étend donc son champ d’influence.
2. L’affaire Stavisky“L’affaire Stavisky” est une crise politico-économique française survenue en janvier 1934, succédant au décès (ou à l’assassinat) le 8 janvier dans des circonstances suspectes, d’Alexandre Stavisky. Serge Alexandre Stavisky est un escroc d'origine polonaise naturalisé français en 1910, et il va rapidement être signalé à la justice Française : il vole des prothèses en or, signe une multitude de chèques sans provision, prend part à un large trafic de drogue et mène une série d’escroqueries. Mais les jugements et les poursuites engagés contre lui n’aboutissent étrangement pas et sont la plupart du temps reportés à une date ultérieure. Il devient directeur en 1912 des “Folies Marigny” grâce à son grand-père. Il va dès lors régulièrement extorquer de l’argent en volant l'argent dans les caisses du théâtre. Il est arrêté en 1926, et va être incarcéré à la prison de la santé. Il va néanmoins réussir à être libéré fin 1927 pour cause d’une prétendue santé défaillante.
Bien qu’il bénéficie de soutients économiques et politiques importants, il va définitivement se compromettre lors de l’affaire dite “des bons de Bayonne”. En effet, sous le nom de Serge Alexandre et avec le soutien du député-maire de Bayonne, Dominique Joseph Garat, et grâce à l’aide précieuse du directeur du Crédit municipal de Bayonne, Gustave Tissier, il va réussir à détourner environ 200 000 000 francs au moyen d’une fraude où il mettra en circulation de faux bons. Il sera arrêté, et les autorités comprennent alors que Serge Alexandre et Alexandre Stavisky ne constituent qu’une seule et même personne. Alexandre Stavisky était alors très connu du Tout-Paris et poursuivi à de nombreuses reprises pour fraude. Il va donc prendre la fuite, et se réfugier dans son chalet situé à Chamonix. Selon les rapports faits par les autorités, lorsque les policiers entrent dans la résidence d’Alexandre Stavisky (le 8 janvier 1934), deux coups de feu retentissent et Alexandre Stavisky est trouvé mort de deux balles dans la tête. Les conditions de sa mort sont résolument étranges et obscures, puisque les différentes enquêtes aboutissent à la conclusion suivante : Il se serait suicidé. Néanmoins, ce constat n’est pas à même de résoudre le mystère de la mort de Stavisky, du fait qu’il apparaît comme invraisemblable de se suicider de deux balles dans la tête, tirée à bout portant. De plus, les différents actes illégaux menés par Stavisky avaient impliqué de nombreuses personnalités telles que le sénateur René Renoult ou encore l’ancien ministre de la Justice Albert Dalimier, qui pouvaient compter sur la mort de Stavisky afin d’assurer son silence. C’est ainsi qu’on en vient à se de demander à qui le crime aurait pu “profiter” de façon la plus évidente.
Le journal satirique “Le Canard enchaîné” titre alors : “Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant“ ainsi que le très célèbre et marquant titre : “Stavisky s’est suicidée d’une balle tirée à 3 mètres: Voilà ce que c’est d’avoir le bras long”. La parution de ces deux unes eut un effet retentissant sur l’opinion publique, ainsi que sur le contexte politique ambiant de l’époque: en effet, l’ampleur que va prendre l’affaire Stavisky du fait de la parution du canard enchaîné va véritablement remettre à jour toutes les rancoeurs qui ont longtemps agité la France. Les ligues d'extrême droite vont alors dénoncer une politique de naturalisation laxiste, incontrôlée puisque Stavisky était en effet juif, d’origine russe alors que les ligues de droite à tendance populiste ainsi que l’Action française royaliste et les communistes vont dénoncer la décadence et la perte des valeurs morales qu’incarnait autrefois la IIIéme République. Les médias constituent un moyen très efficient d’informer le peuple de la corruption ambiante qui frappe le gouvernement, mais contribue également à l’essor grandissant que va connaître le courant antisémite en France, qui semblait ne plus être au fait de l’actualité. Les médias et notamment la presse vont ainsi encourager l’indignation de l’opinion publique, qui entraîne la chute du gouvernement radical-socialiste, au bénéfice d’Edouard Daladier. Le 6 février 1934, ce dernier présente devant tous les membres de l’Assemblée nationale son gouvernement, tandis qu’une grande manifestation, sous l’impulsion des ligues d'extrême droite, est organisée place de la Concorde, à Paris, sur le sujet alors récurrent, “A bas les voleurs !” du fait que les médias ont tous souligné la corruption des milieux politiques. La manifestation tourne à l’émeute, et fait 9 morts et plus d’un millier de blessés. La gauche parlementaire vilipende par le biais de la presse la manifestation du 6 février 1934 comme une tentative de coup d’états mené par les fascistes. Elle appelle alors au rassemblement des forces progressistes. C’est ainsi que l’affaire Stavisky va grandement contribuer à la victoire du Front Populaire et de Léon Blum aux législatives de 1936.
L’affaire Stavisky illustre donc la capacité des médias à faire évoluer de façon souvent profonde et durable la pensée de l’opinion publique, ainsi que leur capacité à influencer le retentissement d’une affaire. De fait, le scandale de l’affaire Stavisky paraît légère face à celle de Panama qui s'était tenu quelques années auparavant, mais son retentissement fût très fort grâce à l'appui des médias. Ceux-ci démontrent toute leur influence et leur pouvoir sur l’opinion publique: Les médias vont tout d’abord la convaincre que l'assassinat d’Alexandre Stavisky est orchestré par des hommes politiques soucieux de préserver leur intégrité, puis vont mettre en relief la corruption de l’élite politique et ainsi l’amener à en prendre conscience et à la combattre, et ainsi mener à la victoire le Front Populaire. Néanmoins, les médias n’influent pas l’opinion publique que “positivement” : En effet, l’essor de l’affaire Stavisky a également réimpulsé le fort courant antisémite ambiant du XXème siècle, du fait qu’aux yeux des adhérents aux différents mouvements xénophobes, Alexandre Stavisky était le symbole de la prétendue “menace” que représentaient les étrangers, du fait de ses divers démêlés avec la justice.
Introduction : L'influence des médias au cours de l'histoire
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